Les voix du Pamano by Jaumé Cabré

Auteur:Jaumé Cabré
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2014-10-01T04:00:00+00:00

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— J’aimerais, monsieur le maire, dit-il en levant le feuillet où étaient consignées ses annotations comme s’il allait trinquer avec du papier, que vous compreniez les efforts du corps professoral comme une marque de remerciement adressé à la commune où nous dispensons l’enseignement, où nous apprenons et enseignons à nos élèves, filles et garçons, les avantages du multiculturalisme de la société globale et technologique qu’il nous revient de promouvoir et où nous enseignons, à toutes et à tous, à estimer le métissage culturel comme un processus d’ouverture mentale dans la transversalité, hautement enrichissant…

Jordi, comme tu as l’air de souffrir : ce qui te va, c’est le brassage des femmes, laisse tomber ces trucs…

—… et aussi, pourquoi pas ? Je vous demande que vous le preniez comme un hommage à nos collègues, femmes et hommes, d’autres époques pas aussi heureuses… Toutes et tous nous faisons partie du même moteur social qu’est le magistère.

Il y avait d’autres époques pas aussi heureuses ? Ai-je jamais vécu avec autant de peine au cœur ? Je suis incapable de me libérer, de me mettre devant lui et de lui dire Jordi, arrête de faire des discours et réfléchis un peu : il y a eu des époques plus heureuses, tu te rappelles ? Quand nous nous croyions intègres, mais surtout lorsque nous croyions que nous, nous serions toujours intègres, oui ou non, réponds, oui ou non ?

Elle fut réveillée par les applaudissements protocolaires des personnes rassemblées pour l’inauguration de l’exposition Un demi-siècle de vie à l’école (1940-2002) dans la salle polyvalente. Un mois d’exposition, jusqu’à carnaval, avec des visites de maîtres des écoles de la région qui avaient eux aussi apporté leur contribution. Le maire déclara l’exposition inaugurée et chacun se mit à prendre des olives farcies et des chips, le tout arrosé d’un peu de fanta. Joana, toujours décidée, profita de l’agitation pour finir de placer des autocollants là où il n’y en avait pas encore. Jordi, accompagné de Maite, s’avança vers Joana, en souriant. Tina, qui ne voulait pas s’attacher aux mouvements de Jordi, les suivit fidèlement, à quelques mètres de distance, en buvant ostensiblement un rafraîchissement. Elle dit non à un collègue qui lui offrait des chips ; elle lui fit un geste gracieux de refus qui voulait dire j’ai constaté il y a peu que mon mari me trompe et je ne veux pas de patates frites parce que j’ai une lourde peine sur l’estomac. Et je ne t’en dis pas plus parce que tu en pleurerais. Jordi était déjà devant la secrétaire :

— Je te félicite, dit-il, une olive aux doigts. Ç’a été phénoménal.

— J’aurais mieux aimé, répondit Joana sur un ton sec, un coup de main ces derniers jours que des félicitations maintenant. – À Maite : Le catalogue reste à faire.

— Mais l’inauguration a eu lieu au jour dit.

Tina vit Joana, visiblement fâchée, finir de placer les autocollants qui expliquaient d’où venaient les cinq modèles de bâtons de craie miraculeusement intacts qu’on avait trouvés dans une école de

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